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Interview croisée de Justine Lemeteyer et Maé Davico [2025-01-17]
Windsurfjournal.com : Pour commencer Maé et Justine, pouvez-vous nous résumer vos saisons sportives 2024 sachant qu’elles ont été pour chacune d’entre vous très pleines et intenses ?
Maé Davico : La saison 2024 a été particulièrement intense et pleine d’émotions. Il y a eu des hauts et des bas, comme pour beaucoup d’entre nous, mais c’est ce qui rend cette saison marquante. Le début de la saison n’a pas été à la hauteur de mes attentes, car j’ai dû faire face à de nombreux défis mentaux qui m’ont parfois freiné dans ma progression. Je me suis retrouvée à lutter contre moi-même, ce qui a compliqué certaines étapes. Cependant, malgré ces obstacles, j’ai atteint l’objectif que je m’étais fixé en début d’année, à savoir me classer dans le top 5 de la PWA. Cela reste un accomplissement, mais je ne peux pas dire que je suis pleinement satisfaite de la manière dont cela s’est déroulé. J’aurais aimé aborder certains aspects différemment pour me sentir plus en phase avec ma performance.
Justine Lemeteyer : La saison 2024 a été très bonne pour moi. Elle a commencé difficilement à Pozo au début de l’été avec des problèmes personnels qui nous ont affectés Maé et moi. J’ai bien rebondi à Fuerte en gagnant en foil et en faisant deuxième en slalom X et vice-championne du monde de la discipline. Puis Sylt qui s’est super bien passé et enfin le Japon qui a été difficile à gérer mentalement mais avec une seconde place sur l’étape qui me permet de remporter mon premier titre de championne du Monde.
WJ : De quoi êtes-vous la plus fière vous concernant cette année passée ?
JL : D’être revenue des enfers. Pour donner plus de détail sur la mauvaise expérience dont nous parlons avec Maé à propos de Pozo, j’ai été victime de violence physique de la part de mon petit copain de l’époque. Maé m’a grandement aidée à me sortir de cette situation toxique mais tout cela s’est fait pendant la coupe du Monde… Donc revenir à Fuerte, gagner et devenir championne du monde au Japon c’est quelque chose dont je suis extrêmement fière. Tout va pour le mieux aujourd’hui et je suis épanouie dans ce que je fais mais cette expérience nous aura marquée toutes les deux.
MD : C'est difficile de dire exactement de quoi je suis la plus fière, mais en réfléchissant bien, je pense que c'est le chemin parcouru tout au long de l'année. En repensant à des étapes comme celle de Pozo, qui a été particulièrement difficile pour moi, je me rends compte de l'ampleur du parcours. Cette étape a été un véritable défi mental, où je n'arrivais pas à me mettre dans la course et où je me sentais complètement bloquée, j’étais tout sauf dans la compétition. C'est à ce moment-là que j'ai pris la décision de demander de l'aide pour travailler sur mon mental, et cela a été un tournant important. Aujourd'hui, je parviens à mieux gérer ces situations et à rester concentrée même dans les moments difficiles. Ce progrès, cette capacité à surmonter mes limites mentales et à évoluer, est ce dont je suis la plus fière.
WJ : A contrario, y a-t-il des moments, étapes qui ont été plus difficiles à gérer ?
MD : Comme je l’ai mentionné, l’étape de Pozo a été difficile, mais celle de Sylt a également été un véritable défi, surtout d’un point de vue technique sur l’eau. Lors de cette étape, j’ai pris conscience que j'avais clairement un manque d’entraînement dans des conditions de vent fort, ce qui m’a poussée à douter de ma place sur le circuit PWA et de ma capacité à performer. Heureusement, Justine a été d’une grande aide pendant cette période. Ensemble, on a cherché des solutions et des moyens d’améliorer cette situation, je lui suis vraiment reconnaissante pour son soutien. Et bien sûr, je ne peux pas parler d'étapes difficiles sans mentionner l'AFF de Leucate, qui m'a également beaucoup frustrée.
JL : Le Japon a été difficile mais cette fois dans ma propre tête. Les enjeux du titre étaient compliqués à gérer, j’arrivais fatiguée d’une longue saison et je n’ai jamais trouvé mon rythme. Cela a suffi à faire deuxième de l’étape et gagner le titre mais ça a soulevé plein d’axes de travail en préparation mentale pour vivre cette situation différemment la prochaine fois.
WJ : Quels sont les soutiens dont vous bénéficiez qui vous semblent les plus importants pour la réussite de votre saison et plus globalement pour bien vivre votre vie de sportive ?
JL : Au vue des expériences racontées précédemment, je dois beaucoup à Maé qui a été un super soutien cette saison. Sur le plan sportif, j’ai une belle équipe qui m’accompagne : S2Maui et FMX Racing sur l’aspect matériel, des partenaires financiers dont le principal est le Leclerc de Caen, Kilian Philippe en préparation physique, Anthony Masquelier en préparation mentale… Et évidemment ma famille et mes amis qui me soutiennent depuis le début !
MD : Le premier et le plus important de mes soutiens reste ma famille, mes parents et mes amis, qui sont toujours là pour me soutenir et m’aider à garder le moral, même dans les moments difficiles. Ils jouent un rôle essentiel dans ma motivation au quotidien. Bien entendu, il y a aussi le soutien matériel, avec des partenaires comme Loftsails, Unifiber, Patrik et Chopperfins, sans lesquels ma saison sportive ne serait tout simplement pas possible. Enfin, un soutien indispensable est celui que je reçois au niveau physique. Cela fait maintenant trois ans que je travaille avec mon préparateur physique, Romaric, et je suis convaincue que sans lui, ma saison n’aurait pas été la même. Il m’aide à rester en forme et à repousser mes limites, ce qui est fondamental pour ma performance.
WJ : Quelle est la force ou la qualité qui t’impressionne le plus chez Justine/Maé ?
MD : La qualité qui m’impressionne le plus chez Justine, en dehors de son talent pour lancer un casque (qui est vraiment impressionnant !), c’est sans doute sa détermination. Elle l'exprime non seulement dans ses entraînements, où elle donne toujours le meilleur d’elle-même, mais aussi dans chaque compétition, peu importe les conditions. Sa détermination se manifeste également dans sa vie quotidienne, où elle ne se laisse jamais abattre par les défis. Elle aborde tout avec une volonté inflexible et un engagement total. C’est cette capacité à rester concentrée sur ses objectifs, à persévérer sans relâche même lorsque les choses deviennent difficiles, qui fait d’elle un véritable modèle. Cette force mentale et cette résilience sont, pour moi, des qualités incroyablement inspirantes.
JL : Maé ne lâche rien. Malgré des études et un travail chronophage, elle ne lâche pas ses rêves de victoires en coupe du monde et s’accroche à son rêve. On sait toutes les deux le chemin qu’elle a parcouru pour en arriver là aujourd’hui et je suis sûre qu’elle a récemment pris un virage qui va la mener vers son rêve ! Et j’espère qu’on pourra fêter ça ensemble sur les podiums de coupe du monde dans les prochaines années !
WJ : Et par ailleurs quel conseil te permettrais-tu de lui promulguer, s’il y en avait un…
JL : D’enlever son tire-veille de grand-mère pour main délicate. Je me suis battue toute la saison avec elle sur ce sujet mais je crois qu’en 2025 ce sera bon !
M : Si je devais lui donner un conseil, ce serait de ne jamais, JAMAIS, arrêter de lancer son casque avec autant de style (c'est un talent, ne le sous-estime pas !). Non sérieusement ce serait de ne surtout pas changer ! Quoi qu’il y ait certaines blagues que tu pourrais changer pour de meilleures !
WJ : Quel sont vos spots d’entrainement préférés ?
JL : C’est toujours bon de revenir s’entraîner sur les spots qui m’ont formée à Ouistreham Riva-Bella et Courseulles-sur-Mer. Mais je dois avouer que le soleil des Canaries et leurs conditions de folie sont super sympas en slalom. Mais le top reste Hawaii, en vague c’est la folie et l’ambiance y est incroyable.
MD : Mes spots préférés pour m’entrainer c’est un peu tous les spots du sud de la France, je les aime tous.
WJ : Si vous deviez choisir une seule planche, une seule voile et un spot pour passer 3 mois de votre vie, ce serait quoi ?
MD : Je pense que ce serait le spot de Fuerte en foil avec une 5 m car il y a toujours du vent là-bas et qu’il fait chaud.
JL: Brest en iQFOiL au mois de décembre… Non, je crois que j’irai faire du foil en petite toile avec Maé à Fuerteventura pour faire péter les Vmax !!!
WJ : Comment gérez-vous l’intersaison en termes de rythme, d’entrainement, vie personnelle, travail, etc…?
JL : Il y a plus de phase d’études/examens même si cela s’est beaucoup allégé pour moi. J’ai pris deux semaines de repos auprès de ma famille sans m’entraîner avant de reprendre au pôle France Voile de Brest sur le support olympique. Le rythme est reparti de manière bien soutenue avec des entraînements biquotidiens en plus de tout le travail de gestion de sponsor et organisation de la saison 2025.
MD : L’intersaison c’est un peu le retour à la réalité avec les cours et le travail. Mais j’essaye de trouver le plus de temps possible pour m’entrainer pour être le plus préparée pour la prochaine saison. Par exemple on s’est prévu un petit stage avec Justine de deux semaines d’entrainement dans le sud en février 2025 pour pouvoir préparer la saison au mieux. Mais sinon en général c’est du sport tous les jours : navigation dès qu’il y a du vent et sinon randos ou sorties vélo entre amis.
WJ : Quels sont vos projets /perspectives pour 2025 et au-delà ?
MD : Pour 2025, mes projets sont clairs et centrés sur ma carrière sportive. Je souhaite continuer à m’impliquer à fond dans le circuit PWA, avec l’objectif de monter encore dans le classement et viser le podium sur plusieurs étapes majeures. Le top 3 mondial est un objectif ambitieux, mais je suis déterminée à tout mettre en œuvre pour y arriver. Je vais également continuer à travailler ma préparation physique et mentale pour être toujours plus performante. Et surtout le projet le plus important c’est de continuer de prendre autant de plaisir sur l’eau.
JL : 2025 va être une année charnière pour moi. Je remets du volume en iQFOiL pour tenter ma chance sur le support olympique. Il faut que je montre dès cette année de beaux résultats pour espérer entrer en préparation olympique pour 2028. D’un autre côté je veux défendre mon titre en PWA avec un nouveau challenge : le faire avec un nouvel équipementier. C’est un double projet ambitieux qui va demander beaucoup d’heures de travail mais les deux projets sont complémentaires dans la pratique en foil et me permettent de réaliser un beau volume d’entraînement.
WJ : Conservez-vous vos partenariats actuels ou y a-t-il du changement en perspective ?
JL : J’ai donné une petite info dans la question précédente. FMX Racing arrête de valider ses planches en PWA (foil et Slalom X femme) donc je ne représenterai plus FMX Racing en 2025. L’officialisation de mes partenaires matériels pour 2025 se fera courant janvier.
MD : Pour ce qui est de mes partenariats, je préfère garder un peu de suspense. On verra bien si je reste avec mes partenaires actuels ou si de nouvelles opportunités se présentent. Une chose est sûre, ça sera une surprise, et j’ai hâte de voir ce que l’avenir me réserve !
WJ : Qu'est-ce qui vous plaît le plus sur le circuit AFF et quel conseil donnerais-tu à un jeune ou une jeune qui veut y participer ?
MD : Le circuit AFF a été une véritable opportunité pour moi, car il m’a permis de naviguer aux côtés des meilleurs, alors que je débutais à peine le slalom. Participer à ce circuit m’a donné l’occasion de me mesurer à des professionnels, ce qui est une expérience extrêmement enrichissante. On apprend tellement en évoluant avec eux, et ça crée un environnement stimulant où chacun peut se surpasser. Ce que j’apprécie particulièrement dans l’AFF, c’est cette diversité entre les jeunes arrivants et les professionnels. Cette mixité crée une dynamique unique, où les plus expérimentés sont là pour partager leurs conseils et leur expertise, tout en cultivant une super ambiance. L’atmosphère dans les compétitions est vraiment top, tout le monde se soutient et échange, ce qui rend chaque événement encore plus agréable. Pour les jeunes qui hésitent, je leur conseille vivement de rejoindre le circuit dès qu'ils en ont l’opportunité. Naviguer aux côtés des meilleurs est une véritable source d’apprentissage, et surtout, ils sont toujours prêts à vous écouter et à vous aider à évoluer. En plus, l’ambiance générale est incroyable, ça rend l’expérience encore plus enrichissante.
JL : Selon moi le gros point fort de l’AFF est l’union des riders professionnels et des jeunes talents dans une seule et même compétition. C’est quelque chose qui m’a beaucoup motivée dans mes débuts et je suis heureuse de voir de nombreu/ses jeunes arriver sur le circuit ces dernières années. Si j’avais un conseil à leur donner, ce serait de toujours prendre du plaisir. C’est facile de faire des heures dans quelque chose que l’on aime et donc de progresser. S’ils ont des ambitions, il n’y a pas de secret, il faut être assidu. Ça demande beaucoup de sacrifices, notamment sur la vie sociale et le temps pour soi mais c’est quelque chose que je ne regrette pas aujourd’hui au vu des expériences que j’ai la chance de vivre.
WJ : Je vous laisse le mot de la fin, qu’avez-vous envie de dire à la communauté sportive qui va vous lire ?
JL : J’ai abordé en début d’interview un sujet qui touche beaucoup de monde qui est la violence dans les relations. Si vous (homme ou femme) êtes dans une situation similaire, il faut en sortir. C’est difficile à faire, il faut demander de l’aide autour de soi mais pour votre santé mentale et physique, c’est quelque chose de vital. En juillet, je sentais que je perdais ma motivation, mon amour pour le windsurf et je n’étais pas heureuse. Aujourd’hui, je suis championne du monde, pleine d’ambitions pour le futur et plus épanouie que jamais dans ce que je fais. Je ne regrette en rien le difficile été que j’ai passé, j’ai retenu la leçon et je pense que c’est important d’en parler pour aider ceux qui me lisent.
MD : Je voudrais juste dire à la communauté sportive qu’il ne faut jamais abandonner, même quand ça devient difficile. Chaque étape, même les plus compliquées, fait partie du parcours et nous aide à grandir. Il est important de rester passionné et de prendre du plaisir à chaque instant. Un grand merci à mes sponsors pour leur soutien constant, aux organisateurs de l'AFF pour faire de chaque compétition un vrai moment de partage, et bien sûr, à toutes les personnes qui me soutiennent au quotidien. Sans vous, je ne serais pas où je suis. On continue ensemble et on va encore plus loin !
Classements
Slalom Hommes 2024
- 1. Pierre Mortefon
- 2. Cédric Bordes
- 3. Pierre Macquaert
Slalom Femmes 2024
- 1. Justine Lemeteyer
- 2. Maé Davico
- 3. Lola Brotschi-eibel
Slalom Hommes 2024, U21
- 1. Eliot Joly
- 2. Sacha Fortune
- 3. Lucas Old
Slalom Femmes 2024, U21
- 1. Lola Brotschi-eibel
- 2. Charlotte Philip
- 3. Isis Classeau
Slalom Hommes 2024, U17
- 1. Marius Loglisci
- 2. Paul Gobin
- 3. Ethan Gely
Slalom Femmes 2024, U17
- 1. Charline Lemaitre
- 2. Tess Sermet
- 3. Eleonore Lambeaux
Slalom Hommes 2024, sénior
- 1. Pierre Mortefon
- 2. Pierre Macquaert
- 3. Manoa Postec
Slalom Femmes 2024, sénior
- 1. Justine Lemeteyer
- 2. Maé Davico
- 3. Marion Mortefon
Slalom Hommes 2024, Master
- 1. Cédric Bordes
- 2. Laurent Desaever
- 3. Benjamin Loire
Slalom Windfoil Hommes 2024
- 1. Cédric Bordes
- 2. Alexis Mathis
- 3. Pierre Mortefon
Slalom Windfoil Femmes 2024
- 1. Justine Lemeteyer
- 2. Maé Davico
- 3. Charlotte Philip
Slalom Windfoil Hommes 2024, U21
- 1. Colin Hermitant
- 2. Sacha Fortune
- 3. Eliot Joly
Slalom Windfoil Femmes 2024, U21
- 1. Charlotte Philip
- 2. Lola Brotschi-eibel
- 3. Isis Classeau
Slalom Windfoil Hommes 2024, U17
- 1. Paul Gobin
- 2. Marius Loglisci
- 3. Ethan Gely
Slalom Windfoil Femmes 2024, U17
- 1. Tess Sermet
- 2. Eléonore Lambeaux
- 3. Charline Lemaitre
Slalom Windfoil Hommes 2024, Sénior
- 1. Alexis Mathis
- 2. Pierre Mortefon
- 3. Benoit Merceur
Slalom Windfoil Femmes 2024, Sénior
- 1. Justine Lemeteyer
- 2. Mae Davico
- 3. Marion Mortefon
Slalom Windfoil Hommes 2024, Master
- 1. Cédric Bordes
- 2. Laurent Desaever
- 3. Benjamin Loire